Fruits et Epices

La Vanille

Le Vanillier est une liane, de la famille des Orchidacées, dont les gousses, après une certaine préparation, constituent soit la Vanille, soit le Vanillon, suivant l’espèce. Le principe aromatique est la Vanilline, qui a d’ailleurs été reconstituée synthétiquement dès 1891 à partir de I’eugénol, extrait de l’huile essentielle de Girofle.

Introduction de cette Vanille dans nos îles

Les Aztèques utilisaient la Vanille bien avant la découverte de l’Amérique. Nous ne savons pas si les Caraïbes faisaient de même. Il est toutefois possible que son introduction dans nos îles se soit faite de la Guyane, pas avant le début du 18e siècle, en Martinique tout d’abord, et ensuite en Guadeloupe.

C’est au Père Labat que nous devons la description des circonstances de son introduction :
« Deux de nos Religieux qui passèrent à Cayenne en 1697, en venant à la Martinique, furent parfaitement bien reçus par les R.R. Pères Jésuites qui ont soin du spirituel de ce pays-là; nos Pères virent chez les Jésuites quelques pots remplis de ces plantes qu’on avait préparés pour envoyer en Europe : ils témoignèrent en avoir envie, et aussitôt les R.R. Pères leur en firent présent d’un pot où il en avait trois pieds parfaitement bien repris… « Je fis aussitôt mettre ces trois plantes en terre au pied d’un cacaotier, et j’eus soin de les faire arroser jusqu’à ce que je les visse assez bien reprises et assez fortes pour se passer de ce secours. Elles profitèrent très bien, en moins de huit mois elles couvrirent tout l’arbre contre lequel je les avais appuyées. »
Si les choses furent aussi simples à leur début, elles se compliquèrent à tel point que la petite plantation de Vanille fut mise en péril. Le Père Labat continua ainsi :
« Le Religieux qui me succéda envoya des Nègres nouveaux pour sarcler la cacaotière où était la Vanille, sans les en avertir et sans la leur faire connaître ; ils la prirent pour une liane ordinaire, ils coupèrent et arrachèrent entièrement toute la Vanille… »
Mais c’était sans compter avec la ténacité du Révérend Père, car aussitôt avisé, il courut à la cacaoyère où il trouva sur un arbre, un rameau de Vanille laissé par mégarde, qui avait pû toucher le sol et prendre racines.
Bien que le Père Labat pensait amener quelques plants de Vanille dès la fin de 1699, ce n’est pas avant le mois de novembre 1 701 qu’il en porta huit pieds dont quelques-uns séchèrent, le reste donnant de belles plantes.
Mais la culture ne fut guère fructueuse. Le Père Labat ne vit ni fleur ni fruit, et l’aventure se termina bien vite, voici comment .
Les Anglais firent une irruption à la Guadeloupe au mois de mars 1703 et se rendirent maîtres du quartier de Baillif. Ils arrachèrent toutes les Vanilles et, selon toute vraisemblance, les emportèrent en Angleterre. Ainsi, l’aventure de la Vanille du Père Labat prit fin. Elle ne dura que deux ans.

Une pollinisation artificielle

Les essais infructueux du Père Labat prouvent que la culture du Vanillier n’est le plus souvent possible qu’en fécondant la fleur artificiellement. Selon certains auteurs, c’est en 1836 qu’Edmond Albius, un ancien esclave Réunionais, réussit pour la première fois, à Liège, la pollinisation artificielle que l’on applique aujourd’hui dans toutes les régions où la Vanille est cultivée. D’autres auteurs, par contre, estiment que c’est à M. Neuman, Chef des Serres au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, que revient le mérite d’avoir fait cette découverte, dès 1830. La culture de la Vanille, aux Antilles, ne commença donc pas avant le 19e siècle.

Les fleurs de Vanillier, en raison de leur conformation, ne se fécondent pas elles-mêmes et il semblerait que ni les oiseaux, ni les insectes n’interviennent de façon efficace dans la pollinisation des plants cultivés. Pourtant, des Vanilliers abandonnés aux abords des grands bois produisent des gousses. Les recherches effectuées dans certains pays producteurs de Vanille, au Mexique notamment, ont montré que l’agent naturel de pollinisation de la fleur du Vanillier est une petite Abeille, la Mélipone, qui existait dans nos îles au début de la colonisation, mais qui a disparu aujourd’hui.

La pollinisation doit se faire dès l’épanouissement de la fleur, quand les organes mâles (étamines) et les organes femelles (stigmates et ovaires) sont encore frais. On opère de la façon suivante : après avoir déchiré, avec un éclat de Bambou ou une grosse épingle, le labelle qui enveloppe le stigmate, on soulève en la repoussant, la languette stigmatique et on incline l’anthère en l’accolant sur le stigmate de façon à l’enduire du pollen visqueux. Quelque temps après, les gousses apparaissent.

Une plante de grande culture

Aujourd’hui, les grandes plantations de Vanille ont disparu ; il ne reste que de très petites exploitations familiales, dont la production est destinée à la consommation locale.
Le Vanillier n’utilise l’arbre sur lequel il grimpe que comme support, il n’en tire aucune substance, d’où son nom de liane épiphyte. Le choix du tuteur est précis. En effet, le Vanillier forme, avec lui, une sorte de symbiose, il doit obligatoirement comporter des champignons qui vivent en association mycorhizienne avec les racines adventives de la liane.
Les tuteurs, généralement employés dans nos îles, sont : le Pois doux et le Roucou.

Les Vanilles cultivées dans nos îles

Différentes espèces ont été cultivées en Martinique : l’espèce originaire d’Amérique du Sud tropicale, Vanilla pianifolia G.J., appelée « Vanille » ou « Bonne Vanille », que le Père Labat a introduite dans nos îles.
Il y a aussi Vanilla pompona Schiede, appelée «Vanillon » en Martinique, originaire d’Amérique Centrale. Cette Vanille se distingue de la première par ses feuilles moins épaisses et plus larges, par ses fruits plus gros et plus courts.
Signalons la présence d’un Vanillier indigène : Vanilla mexicana Mill. appelé « Vanille sauvage » ou « Vanille marron » dans nos îles. Son fruit n’a pas de parfum. Nous ne savons pas s’il était utilisé par les Arawaks et les Caraïbes.

Comment prépare-t-on les gousses de Vanille pour les consommer

Voici la recette que connaissait le Père Labat d’un Juif de passage en Martinique :
«Il me dit que les Indiens la cueillaient dès qu’elle commençait un peu à jaunir, qu’après l’avoir faite bouillir quelques moments dans l’eau-de-vie, ils la faisaient sécher à l’ombre ; qu’étant à moitié sèche ils l’aplatissaient entre leurs doigts dans toute sa longueur, et qu’enfin, après l’avoir frottée avec un peu d’huile de Palma Christi, ou de Coco, ils l’enveloppaient dans des feuilles de Balisier où elle achevait de sécher ; et que sur toutes choses, ils prenaient garde de ne la laisser jamais au soleil. »
«J’observai exactement tout ce que ce Juif m’avait dit ; je fis diverses épreuves, et toujours inutilement d’où je conclus que la Vanille qui croissait à la Martinique était d’une autre espèce que celle de Cayenne et de la nouvelle Espagne, et qu’ainsi il faudrait attendre que celle que je cultivais rapporte du fruit, ou que je pûsse découvrir par quelque autre voie le moyen de préparer celle que nous avons à la Martinique. »
Cela confirme la présence d’une espèce indigène dans cette île.

Voici une autre recette, à l’opposé de la première. Le Père Labat poursuivit ainsi
«Cependant j’ai su depuis, étant à Cadis à la fin de 1705, que toute la cérémonie que font les Indiens pour accommoder leur vanille était de la cueillir dès qu’ils s’apercevaient qu’elle voulait jaunir, et s’ouvrir, qu’ils la mettaient ressuer et fermenter comme j’ai dit qu’on mettait le cacao, pendant deux ou trois jours, et ensuite ils la mettaient sécher au soleil. Quand elle était à moitié sèche, ils l’aplatissaient entre leurs doigts, et qu’après l’avoir frottée d’huile de Palma Christi, ou de Coco, ou de Calba , ils l’exposaient encore au soleil pour achever de la faire sécher, après quoi ils la frottaient d’huile une seconde fois, et la mettaient en paquets qu’ils couvraient de feuilles de Balisier ou de Cachibou. 
Cette méthode est bien différente de celle du Juif ; mais comme je n’ai pas eu la commodité de l’éprouver depuis que je le sais, je ne puis pas assurer qu’elle soit la véritable. J’ai pourtant lieu de le croire, parce que je l’ai appris de gens dignes de foi, et qui me paraissaient très bien instruits. Il est naturel de penser que le Juif était ignorant ou un trompeur, et peut-être tous les deux ensemble, cela n’étant pas fort extraordinaire dans ces sortes de gens. »

Comme on le voit, le Père Labat n’était pas toujours tendre pour tout le monde, il avait parfois des idées préconçues.

Sa préparation de nos jours
Elle n’est certainement pas aussi compliquée que les deux premières. Des fabricants avertis nous ont affirmé que la préparation de la Vanille demeure une opération fort simple.
Il suffit de cueillir les gousses matures, à l’aide d’une épingle, de les « saigner », c’est-à-dire de faire de petites raies afin de faire sortir le suc. Ensuite on les enveloppe dans du tissu de flanelle ; pour éviter les moisissures, il faut les mettre de temps en temps au soleil. Au bout de quelques jours, l’arôme de la Vanille se fait sentir.

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