Histoire et Culture

Influence des styles anglais sur l’art du bois

Bien que modeste dans son ensemble, la Martinique a subi l’influence des différents styles anglais au niveau de son mobilier preuve, des noms bien anglais perdurent encore dans le vocabulaire tels que side board, en créole «side bot’», tray, etc….

Deux raisons majeures peuvent être évoquées
1 – l’occupation anglaise de la Martinique à trois reprises
– l’une de 1762 à 1763
– la seconde de 1794 à 1802 – la dernière de 1809 à 1815

2 – l’environnement immédiat de la Martinique qui est uniquement anglophone à partir de la seconde moitié du XVIIIème siècle et le résultat des échanges économiques et culturels qui en découlent.
En effet, dans le domaine du mobilier, si effectivement certaines pièces ont été amenées pendant l’occupation par les autorités tant politiques que militaires, il n’en demeure pas moins que des échanges fructueux eurent lieu avec la Dominique tout au long du XVIIIème siècle : certains meubles étaient fabriqués en série et vendus à la Martinique.

Nos artisans locaux, vraisemblablement frappés par leurs lignes nouvelles, les ré-interprétèrent à leur manière, et introduisirent tantôt telle ligne, tantôt telle ornementation dans les meubles déjà existants, amorçant le style composite qui caractérise si bien notre mobilier créole.

Mais c’est surtout à partir des années 1960 – 1970, que, face à la mise en place de magasins d’antiquités et à la rareté des meubles authentiques locaux, l’on assiste à l’introduction de pièces de mobilier authentiques venant pour la plupart des îles voisines notamment Barbade, Sainte-Lucie, et la Dominique. Un véritable engouement s’ensuivit pour des pièces offrant des lignes plus légères, moins sévères, et une diversité de choix.
De nombreuses copies envahiront alors la Martinique et occupent encore actuellement une place de choix chez les antiquaires.
Sept styles qui se sont succédé en Angleterre du 17è au 18è siècle influencent encore notre production.

Le Queen Ann
Ainsi appelé du nom d’Anne Stuart qui régna en Angleterre de 1702 à 1714, ce style, contemporain de la fin du 17ème siècle, se caractérise par des lignes galbées, particulièrement au niveau des pieds fortement cambrés des sièges. Dites en cabriole, elles dessinent sur la traverse un ressaut très marqué et reposent sur des pieds en boule qu’enserrent les griffes d’un aigle : «le clawball».
Cet élément stylistique caractéristique, très en faveur entre 1720 et 1750, semble être inspiré d’une tradition impériale chinoise.

Le style Chippendale
Du nom de Thomas Chippendale (1718 – 1779), qui introduit les formes Rococo dans le mobilier anglais et surtout l’emploi systématique de l’acajou. Outre les emprunts qu’il fit à la rocaille française, ce style se caractérise par sa diversité. Le galbe et la courbe gagnent le mobilier qui s’inspire autant du gothique médiéval par l’utilisation d’ogives, de créneaux ou de croix lancéolées dans l’ornementation, que de l’art chinois par des décors de dragons, de pagodes ou de réseaux géométriques en treillis.
Ces influences se conjuguent et se superposent donnant parfois un curieux amalgame.

Le style Adam (1760-1800)
Après la fantaisie introduite par Chippendale pendant vingt ans, les Anglais reviennent à plus de formalisme en donnant toute son ampleur au style néoclassique ou encore palladien.

Ce dernier est introduit dès le début du 18ème siècle avec la réédition en 1716 du traité d’architecture de Palladio (maître de la Renaissance architecturale italienne) et en 1727 de l’oeuvre de l’architecte Inigo Jones sur l’art gréco-romain : les deux précurseurs de ce renouveau palladien étant l’architecte William Kent (1684 – 1748) et Lord Burlington (1693 – 1753).

Le retour aux lignes droites régulières est prôné par l’architecte Robert Adam (1728 – 1792) et son frère James (1730-1794) qui mettent ce style en vogue dès 1767 avec toutefois moins de rigueur : «il préfère, en effet, toute la gamme des moulures légères, élégantes, gracieusement ornées et finement mises en valeur. Le style devient fluet et gracile, tout en étant sobre et raffiné. Les rinceaux, les feuillages, les entrelacs se développent en motifs linéaires très délicats…» ainsi que les motifs sculptés d’inspiration classique.

Le style Hepplewhite
Malgré le succès des frères Adam qui en cette fin du XVIIIème siècle sont les plus prisés, donnant le ton au style, des décorateurs proposent d’autres modèles, tel Hepplewhite qui publie en 1788 une suite de dessins où l’on voit le style Adam adapté aux objets usuels.

Les formes sont plus simples et à la fois précieuses. L’emploi de l’acajou donne une certaine robustesse à des lignes clairement dessinées et mises en relief les dossiers ajourés des chaises ou des fauteuils de salle à manger (dossiers à rubans ou ribband back) affectent des formes de lys, d’écusson ou d’urne. Des plumes sculptées dite «Prince de Galles» viennent également les orner.
En plus, dès 1775, il abandonne la forme en gaine des pieds de ses sièges pour les tourner.

Particulièrement représentative est la chaise en acajou à dossier en écusson (shieldback) ou en coeur, ou encore de forme ovale ornée des trois plumes héraldiques du Prince de Galles, et aux pieds généralement droits, se rétrécissant vers le bas, de section ronde ou carrée.

Le style Sheraton
du nom de Thomas Sheraton (1715-1806) donne plus de simplicité aux formes monumentales d’Adams.
Les lignes sont plus structurées et dépouillées inspirées en cela du style Louis XVI français.

Le Regency
Son nom vient de la Régence du Prince de Galles, qui engloba la période allant de 1811 à 1820. Si ce style en retient le nom, il se dessinait déjà dès la fin du 18ème siècle (1790) où l’Angleterre, tout comme la France subit une forte influence de l’Antiquité. La culture classique de l’Antiquité Greco-Romaine et l’intérêt
pour l’archéologie et l’exotisme inspirent alors l’art et naturellement, créent un courant néoclassique utilisé dans la décoration et les lignes de l’ameublement.

On y retrouve, en fait, les styles français Directoire, Empire et Restauration, fortement imprégnés de ces influences.

Pieds en sabre, en fuseaux, en gaine,en grille, en jarret de lion en sont les caractéristiques. Les lignes du mobilier sont sobres, voire sévères et peu ornées. Le décor consiste souvent dans le contraste formé par le dessin du meuble même, souligné par de simples filets de bois contrastés.
Le style Empire semble être la principale inspiration du Regency. Quoique plus majestueux et lourd, les anglais y introduisent leur sens inné de l’harmonie, de la légèreté, et de l’élégance des formes, facteur du confort qui leur est propre.

Dès le milieu du 18è siècle, l’engouement pour le mobilier anglais déferle sur l’Europe continentale. La recherche du confort et de la chaleur intime des intérieurs fait le tour du monde.
On peut penser que le «style Napoléon III» français en dérive, particulièrement dans les meubles en papier mâché « neo rococo».

Elégant, modéré et équilibré dans les formes, adapté par les artisans des îles anglophones dans les bois du pays, le mobilier de style anglais a conquis les intérieurs martiniquais par l’impression qu’il donne d’être toujours à la mode et partout à sa place dans tous les décors.

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