La faune

La mangouste

Couleur fauve parfois tirant sur le gris, courte sur pattes, queue touffue, rapide comme l’éclair, vous l’avez certainement aperçue traversant nos routes à toute vitesse, pour se glisser ensuite toujours aussi rapidement à travers , les champs de canne à sucre ? C’est notre Mangouste, l’unique représentant dans nos îles d’une des plus riches familles de l’ordre des carnivores : la famille des Viverridés. Les représentants de cette famille ont pour caractères communs : une taille modeste, des formes allongées, un tronc mince, une longue queue au poil fourni et se terminant en pointe, une petite tête au museau pointu portant de longues moustaches. Les pattes, très courtes, sont munies ordinairement de cinq doigts avec des griffes non rétractiles dans la plupart des cas.

Répartition géographique
Pour cela il est plus juste de parler des Mangoustes car ces dernières faisant partie de la sous-famille des Herpestinés comprennent dix genres, environ trente espèces et cent soixante dix sous-espèces réparties en Afrique, au Sud et à l’Est du bassin méditerranéen, en Inde, en Asie du Sud Est, jusqu’à la Chine du Sud et les grandes îles de la Sonde, et actuellement dans certaines îles des Antilles où elles ont été introduites au milieu du 19e siècle.

Plaidoyer pour l’introduction de la Mangouste à la Guadeloupe en 1887
« … J’ai tout lieu de penser que la chambre d’agriculture s’occupera de l’introduction des Mangoustes, en vue de détruire les rats qui, dans certains quartiers, dévastent nos diverses récoltes ; il serait peut-être sage de ne faire tout d’abord que des Mangoustes non susceptibles de reproduction, afin de n’avoir pas à craindre la propagation de l’espèce. Plus tard, il ne faut pas que l’on ait à regretter d’avoir introduit dans le pays un nouvel animal nuisible. »

C’est en ces termes qu’en juillet 1887, Monsieur de Zévallos faisait une communication à la chambre d’agriculture de Pointe-à-Pitre en faveur de l’introduction en Guadeloupe de la Mangouste de l’Inde. Cette prise de position n’était pas unique, car bien avant, J. Luman avait déjà préconisé dès 1816 l’introduction de cette Mangouste à la Jamaïque pour combattre les rats qui dévastaient les champs de canne à sucre. C’est ainsi qu’en 1874 Monsieur Baneroft Espeut, propriétaire d’une habitation à la Jamaïque « réussit à faire venir directement des Indes neuf sujets mâles et femelles, qui lui coûtèrent pièce une livre sterling pour frais de transport ». Essai concluant, à l’inverse de ceux tentés auparavant avec des Mangoustes importées de Londres ; c’est ainsi que Monsieur Espeut put en distribuer dans diverses habitations voisines de la sienne.

Cette expérience s’étendit à d’autres îles des Antilles : Cuba, Porto-Rico, Saint-Thomas, Sainte-Croix, Grenade, Barbade. C’est en 1888 selon les écrits du R. P. Pinchon que les premières Mangoustes furent introduites à la Guadeloupe, toujours dans le but de détruire les rats qui constituaient un véritable fléau dans les plantations de canne à sucre ; et c’est entre 1890 et 1891 que quelques couples de Mangoustes en provenance de la Guadeloupe, puis de la Barbade furent introduits à la Martinique pour combattre le fameux serpent le Bothrops lancéolé qui hantait toute l’île, car déjà la Mangouste avait acquis une sérieuse réputation dans ce genre de lutte, à telle enseigne que dans certaines régions de l’Inde elle est considérée comme un animal domestique au même titre que le chat, elle est chargée de détruire dans la maison les serpents et les rats.

La Mangouste est un animal qui s’apprivoise facilement
Il paraît que parmi les Mangoustes introduites à la Martinique certaines quittaient même les bois, pour venir s’installer dans les maisons et c’est ainsi que l’on peut lire dans le fascicule « Le Serpent de la Martinique »
« … Il y a seulement une quarantaine d’années, la plupart des familles créoles habitant la campagne avaient leur Mangouste domestique. Quand une Mangouste adopte une maison, il ne faut pas l’enfermer. Si les enfants ne la maltraitent pas, si les chiens la laissent tranquille, elle ne s’en va pas ; car il n’existe pas au monde d’animal plus curieux et le nombre des objets qu’une Mangouste peut découvrir dans une maison est incalculable. Elle est plus prisonnière de sa curiosité – une curiosité inlassable, maladive, ancestrale – que si on la mettait en cage. En signe de bienvenue, il suffit de lui donner quelques petits morceaux de viande crue, un peu de jaune d’oeuf et vingt-quatre heures ne sont pas écoulées, qu’elle se frôle aux jambes du maître, câline comme un chat. Elle grimpe sur ses genoux, brûle son museau à sa cigarette, essaie d’entrer dans ses poches, intriguée par le tic-tac de sa montre. Descend-elle, c’est pour courir, affairée, d’une pièce dans l’autre. Il faut qu’elle se rende compte de tout, elle monte sur les tables, sur les sièges, sur les lits, fourre son nez rose dans les couvertures, perpétuellement agitée, l’oreille aux aguets, tressautant au moindre bruit, au plus léger frôlement. On reste toute une journée parfois sans la voir. Elle est dans le jardin. Elle inspecte les haies, les « lisières », fouille les carrés de « gombos », de choux caraïbes. Le soir, on la voit revenir à l’heure du dîner, le poil trempé par la dernière averse, les babines légèrement teintées de rouge. Pendant son absence, elle a peut-être tué deux ou trois Bothrops. » (Henry de Lalung).

Une introduction qui fut un échec
Facilement apprivoisable certes, gardienne des maisons contre les souris, les rats et les serpents, la Mangouste ne s’est pas arrêtée là. Grâce, d’une part, à sa grande capacité de reproduction, 3 à 4 portées par an, de 4 à 5 petits chacune, d’autre part grâce à un goût très prononcé pour la volaille, les oiseaux et d’autres animaux, la Mangouste, carnassière redoutable, est devenue très rapidement dans les îles où elle avait été introduite, un facteur de désordre.
Il est certainement vrai qu’avec son arrivée on a pu noter une sensible diminution des rats et serpents, mais aussi de beaucoup d’autres espèces, oiseaux, reptiles, petits mammifères existant dans notre faune.
Les rats sentant venir le danger ont changé leur mode de vie, de terrestres, ils sont devenus arboricoles donc hors de portée de la Mangouste. Les serpents se sont défini d’autres territoires rendant donc les rencontres moins fréquentes avec notre Mangouste qui pour se nourrir s’intéressa aux poulaillers, aux nids d’oiseaux, où elle fit des ravages, en mangeant veufs et oisillons. Les Iguanes et les « Grosses Grenouilles » qui existaient à cette époque à la Martinique ne furent pas à l’abri, ni les petits mammifères tels que l’Agouti. L’estomac de la Mangouste était alors devenu un véritable cimetière pour notre faune.
C’est là un véritable exemple de la création d’un déséquilibre par l’introduction d’une espèce étrangère.

Une faune en pleine extension
La situation s’aggravant, les autorités prirent des mesures afin d’encourager la destruction de la Mangouste. C’est ainsi qu’une prime de 5 F était distribuée dans les brigades de gendarmerie par tête de Mangouste tuée. Tout cela ne fit pas grand chose car la Mangouste demeure tout de même à la Martinique un animal très fréquent qui même le jour s’approche des habitations cherchant dans les poubelles ou dans les tas d’ordures une maigre pitance.
La Mangouste de nos jours ne déclenche pas chez nos paysans la même haine qu’auparavant, elle vit quasiment dans une indifférence totale.
La chasse à la Mangouste à la Martinique n’est plus considérée par les paysans comme une obligation.

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