Histoire et Culture

La chanson des Antilles.

On a dit qu’Adieu Foulard, Adieu Madras est considéré comme le chant national des Antilles. Disons plutôt que ce chant a beaucoup de succès et comparons-le au très connu « Ce n’est qu’un au revoir » si aimé des Anglais. Ce chant vieux d’à peu près deux siècles, et toujours aimé, on le dit composé à la Martinique, mais on l’attribue plus souvent à un compositeur guadeloupéen et particulièrement au Marquis de Bouillé, qui fut gouverneur d’abord à la Martinique, ensuite à la Guadeloupe à la fin du xvme siècle. Son style l’apparente aux berceuses de ce siècle. Lafcadio Hearn, qui habita seulement la Martinique et qui a écrit avec sérieux sur cette île a recueilli une version d’Adieu Foulard, Adieu Madras vers 1888.

Remarquons que cette berceuse ne supporte nullement l’accompagnement au tambour et se prête plus aisément aux harmonisations au piano ou orchestre symphonique. C’est une mélodie qui ne s’est pas intégrée aux Antilles, aussi curieux que le fait puisse paraître.
Son texte lui-même comporte une forme d’expression qui n’est pas habituelle aux thèmes courants du folklore antillais. Le poète populaire des Antilles s’intéresse à des faits plus précis : le travail, l’argent, l’ironie, la fidélité et nulle chanson ne procède de cette mélancolie sans retour comme Adieu Foulard, Adieu Madras ! Le thème de l’émigration qui a trouvé tant d’échos dans les proverbes, chants de bélairs ou contes de veillée s’est exprimé de façon vigoureuse et toujours avec optimisme : I pa’ti pou’ ché’ché la vie ! (il est parti pour chercher la vie ! C’est-à- dire de quoi gagner sa vie) entend-on souvent.
Tandis que Adieu Foulard, Adieu Madras évoque un dolce-farniente et un regret comme « sorti de l’extérieur de l’âme du pays », s’appliquant davantage au voyageur ou au passant qui a séjourné quelque temps aux îles et qui les quitte la mort dans l’âme.
Grâce à M. Roger Fortuné, il a été possible de comparer trois versions d’Adieu Foulard, Adieu Madras dont une de la Guadeloupe, une autre, la plus ancienne probablement, de la Martinique et une troisième de Guyane.

VERSION MARTINIQUE
Dans son livre Contes des Tropiques, Lafcadio Hearn donne le texte d’Adieu Foulard avec la présentation suivante :
« Voici une de ces petites improvisations, très populaires à la Martinique et à la Guadeloupe et qui fut imposée dans cette dernière colonie »

Adieu Madras !
Adieu Foulard !
Adieu dézinde !
Adieu collier-choux !
Bâtiment-là
Qui sou labou-là,
Li ka mennein
Doudoux-à-moin allé.

Bien le-bonjou’,
Missié le Consignataire,
Moin ka vini
Fai yon fi pétition;
Boudoux-à-moin
Y ka pati,
T’en prie, hélas !
Rétadé li.

Ma chère enfant
Il est trop tard
Les connaissements
Sont déjà signés,
Le bâtiment
Est déjà sur la bouée ;
Dans une heure d’ici,
Ils vont appareiller.

Foulard rivé,
Moin té toujou tini ;
Madras rivé,
Moin té toujou tini ;
Dézindes rivé,
Moin té toujou tini,

Capitaine sougonde
C’est yon bon gaçon !
Toutt moune tini
Yon moune yo aimé ;
Toutt moune tini
Yon moune yo chéri
Toutt moune tini
Yon doudoux à yo.
Jusse moin tou sèle
Pa tini ça-moin !

Martinique 1888.

VERSION ANGLAISE

Adieu Foulard a été traduit en anglais et sert d’explication de texte plutôt que texte de chanson.

Good-bye lovely scarves, good-bye Madras Good-bye golden necklaces
My sweetheart is leaving me
Alas ! Alas ! It is for ever

Good-morning, mr Governor
I corne to submitt a request
To ask your permission
To leave my sweetheart to me

My young lady it is too Tate
Your sweetheart has already emberqued
The ship is close to the buoy
And is ready to sail

Good-bye lovely scarves, good-bye Madras
Good-bye golden necklaces
My sweetheart is leaving me
Alas ! Alas ! It is for ever

Anca Bertrand.

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